Souvenirs de voyage en Chine
en 1985
Chapitre II |
©
Thierry Verdan |

Vendredi 19 juillet 1985
Taiyuan
Hier après-midi et ce matin, visite de très beaux monastères, pagodes et
parcs des époques Song & Ming. Rue marchande de Taiyuan où mon premier
achat chinois hors de l'hôtel fut une boite de mandarines, les mêmes que
celles qui ont donné leur nom aux anciens fonctionnaires chinois : les
mandarins.
L'achat d'un film Kodak fut plus délicat. Les vendeurs n'avaient pas
l'habitude de voir des "yuans" sous la forme de devises pour touristes.
Ils utilisent le " renminbi yuan ", la monnaie du peuple, dont les
dessins représentent des gens au travail et non pas des paysages.
Le soir, l'achat d'une boite de jus d'orange à l'hôtel fut encore plus
désespéré, comparable à une tentative d'achat en URSS. La
demoiselle était en train de ranger des boites. Cinq personnes
attendaient mais elle continuait. Quand les coca furent rangés, elle
s'attaqua aux sprites. Comme les personnes devant moi ne disaient rien,
je me suis tu aussi. Une fois les sprites rangés, un espoir se fit en
moi. Illusion : elle s'était trompée, elle se mit à intervertir de
place, les boîtes qu'elle venait de ranger. Tout ça sans se presser,
très tranquillement. Les cinq personnes attendaient toujours...alors
sans me presser et très tranquillement, je suis parti... c'était
tellement énervant que je ne me suis même pas énervé.
On se console de ces désagréments en voyant les merveilles de la Chine et
en écoutant de nombreuses légendes. Cet après-midi, dans
l'extraordinaire parc du temple de " Jinci", devant la source " à jamais
jeune " Lio, notre guide, de Pékin, a expliqué l'origine
de celui-ci: " une pauvre fille qui avait donné à boire à un vieillard,
reçu de ce dernier un lacet. Elle devait lancer ce lacet dans un trou et
en le retirant elle ferait jaillir de l'eau. Sa mère le lui arracha et
tomba dans le trou. L'eau en sortit, la mère se noya et la jeune fille
resta assise au bord de la source. Elle devint une déesse et depuis la
source n'a jamais tari, d'où le nom " source à jamais jeune ".
Samedi 20 juillet 1985
Taiyuan

Ce matin, miracle!.. on n'a pas retourné la nappe qui, depuis deux jours,
était dégoulinante, pleine de taches, mais on l'a changée..Nos
réclamations ont porté ou ne soyons pas trop optimistes, le programme
prévoyait qu'elle soit changée à ce moment. Ce qui n'a pas été le cas de
nos draps, même après notre départ !
Il y a des choses difficiles à supporter comme les petits pots qui sont
partout prévus comme " crachoirs " ou à comprendre, comme le fait qu'il y
a des baignoires dans chaque chambre mais pas de douches et parfois de
l'eau chaude mais pas d'eau froide.
Un hôtel, vieux de cinq ans, en parait trente ! Le restaurant ferme à 19h.
Le sommelier nous sert du thé, mais à chaque repas, il faut l'appeler dix
fois pour qu'il comprenne qu'il doit nous resservir.
Cette année, dix millions de visiteurs sont attendus en Chine. Les
infrastructures en supporteraient probablement la moitié. En ce moment,
nous voyageons de nuit pendant treize heures assis dans un train : ils
avaient simplement oublié d'accrocher le wagon-couchettes ! Ce matin,
parcours oblige, on a visité un hôpital. Au lieu de voir des soins
traditionnels ( acupuncture ), nous avons eu droit à des machines
modernes sophistiquées: ultra-sons, rayons gamma, laser, et scanner. Le
tout commenté avec de multiples détails techniques.

Fermez les yeux, imaginez un film documentaire en sanscrit sur les
propriétés comparées des différentes lessives: c'était pire...En Chine,
tout ce qui a deux jambes et qui parle un peu une langue étrangère est
guide. C'est pourquoi nos deux guides locaux, qui baragouinaient
l'anglais, connaissaient la ville comme moi la lune. Je peux la situer
et je connais son nom, c'est tout.
Nous nous endormîmes, ou plutôt nous passâmes la nuit, dans un wagon
rempli de Chinois de première classe, c'est-à-dire de médecins,
d'avocats, de membres dirigeants du gouvernements locaux, ce qui leur
donnait le privilège de voyager en 1ère classe molle, la meilleure. Mais
ces qualités ne les empêchaient pas d'être bruyants, de fumer, de boire
des bières, de roter et de se couvrir de la suie dégagée par les
locomotives à vapeur, c'est d'ailleurs de la même suie que se couvraient
les Chinois de 2ème classe et les étrangers, en l'occurrence, chose
terrible, nous.
Dimanche 21 juillet 1985
Fin du trajet-arrivée à Zhengzhou
Le lendemain, réveil, pour ceux qui avaient pu somnoler, au son des
crachats de luxe, car de première classe molle, seuls des sons
nasillards de la langue chinoise émergeaient.
Nos chemises blanches sont grises; les grises sont noires, et les noires
sont encore plus noires que les blanches peuvent être plus blanches
quant elles sont lavées avec OMO. De plus, par 35 degrés C et 90 %
d'humidité relative, elles collent à la peau autant qu'un démarcheur en
assurance brandissant un contrat.
Voilà l'état dans lequel nous aurions été en arrivant à Zhengzhou si cet
état général de délabrement physique ne s'était pas doublé de
l'effondrement moral de ne plus retrouver nos valises envoyées de
Taiyuan. Panique à bord jusqu'au retour du fleuve jaune: les Chinois
avaient simplement porté nos 112 valises au 12ème étage de l'hôtel au
lieu du 6ème... du moment qu'ils avaient lu le nombre 12 sur les billets
des bagages...

Tout ceci va avec les tracasseries du tourisme en Chine, de même que la
boîte en cloisonné et la noix sculptée qu' Hélène avait déposées sur la
table de nuit et que la femme de chambre, qui était un homme, a jetées.
Cendrier : jeter, quoiqu'il y ait dedans !
Ils n'arrivent pas non plus à concevoir que l'on préfère visiter deux
monastères tranquillement plutôt que six en courant. C'est chaque fois
une " bagarre" et il faut agir avec des ruses de Sioux pour contrecarrer
les multiples chinoiseries des Chinois qui veulent nous imposer leur
programme au détriment du nôtre, celui qu'on a mis au point ensemble, à
Berne et auquel on tient, contrairement peut-être à d'autres groupes de
touristes qui n'ont pas préparé le voyage et s'en tiennent à
l'organisation qu'on leur propose.
Les Chinois aperçus paraissent avoir une aptitude à prendre le destin
comme il vient et des qualités de coeur enviables. Ainsi, ce Chinois sur
un quai de gare agitant ridiculement la main pour dire au revoir, n'avait
pas l'air ridicule. Ou cette petite fille de 8 à 9 ans toute fluette, que
j'ai portée sur le piédestal, trop haut pour elle, d'une statue, voulait
ensuite m'aider à y monter en tirant mes 65 kg avec son bras un peu plus
gros qu'une allumette.

Lundi 22 juillet 1985
Zhengzhou
Par miracle, je suis encore vivant. Chez nous en Suisse, il y a des gens
que l'on enferme dans des asiles. Ici, ils sont chauffeurs de bus. Le
voyage jusqu'au temple de Shaolin se passa à faire des dépassements en
queue de poisson, à frôler les cyclistes ou à traverser des villages à
60 km/ heure sur des chemins caillouteux à peine plus larges que le
mini-bus et bondés d'une foule autour de stands de marché...Notre
chauffeur ne supportait pas d'avoir un véhicule devant lui et comme il y
en avait mille...chaque centimètre disponible pour le dépassement à été
utilisé y compris le centimètre prévu suite au freinage du camion
vis-à-vis et du camion dépassé !
Sur les routes, il y a des camions chargés souvent de charbon, de
gigantesques chars à foin tirés par de minuscules tracteurs, des vélos,
des charrettes tirées par des hommes ou des ânes servant à transporter
des produits du marché ( pastèques ) ou de lourds panneaux de béton,
mais il n'y a pas de voitures privées ou alors on en croise péniblement
une par jour. Le tout est constamment dans une brume de poussière de
charbon. Malgré les accidents, suite à des camions se rabattant trop vite
après des dépassements, les Chinois n'ont pas l'air crispé. Le
conducteur d'un camion, qui venait de se renverser en répandant son
chargement de pastèques dans le fossé, est-il parti mettre son triangle
de panne ? Téléphoner à la police ? Chercher de l'aide? En
réalité, il était assis avec un copain à côté du camion et ils
mangeaient ...des pastèques !
Dans chaque chose il y a du bon, même dans un accident !
Un cycliste réparait son vélo au milieu d'une route dont la
circulation devait correspondre à celle de la place de la Concorde à
Paris, en plus rapide et plus poussiéreuse.
Mardi 23 juillet 1985
Zhengzhou / Luoyang

La journée la plus chaude. Pour faire du thé, il fallait presque
refroidir l'eau. On était enveloppé d'une chaleur si épaisse et
tellement humide que les non-nageurs ont dû rester à l'hôtel. On a
signalé deux cas d'imprudents qui se sont noyés dans leur transpiration.
La visite d'une usine de jade et d'un musée sur la préhistoire de la
Chine, quoique forte intéressante, fut un calvaire.
On a fini par s'en sortir et on est arrivés en train à Luoyang. Cette
fois on a eu des couchettes, mais on voyageait pour deux heures
seulement... A l'arrivée, Mademoiselle Jin, notre guide locale, était
toute sourire pour nous accueillir. Dans le mini-bus climatisé, elle nous
a annoncé que notre hôtel ( l'hôtel de l'amitié ) était moderne,
confortable, et qu'il y avait une piscine. Du coup, on a tous applaudi.
Elle s'est alors écriée," attendez, attendez, il y a une piscine, mais il
n'y a pas d'eau dedans.!"
Le soir, pour la première fois, on a pas eu une table ronde unique
pour les onze personnes mais deux tables de six. La répartition au
hasard, n'a peut être pas été la plus judicieuse. Pour chacune des
tables, les mêmes quantités étaient prévues, mais autour de la première
se sont assises les six personnes qui mangent le plus, et autour de la
deuxième, les cinq personnes qui touchent à peine à la nourriture. La
table des cinq était écoeurée, avait à peine goûté aux plats, alors qu'il ne
restait pas une seule miette sur l'autre table. Ce fut alors comparable
à l'apocalypse.: les six, dont moi, se jetèrent sur l'autre table et, tels
des piranhas en délire, nettoyèrent le tout en moins de deux minutes.
Les gens civilisés en restèrent pantois et les sommeliers purent juste
retirer les assiettes avant qu'elles n'y passent aussi, pendant que la
direction de l'hôtel appelait les pompiers, la police et un dompteur.
Une répartition pareille, ça ne nous a plus repris, c'est une chose trop
importante, il n'est pas convenable de s'asseoir ainsi à la légère
n'importe comment, sans penser aux conséquences...

Le soir, comme on arrivait plus à ouvrir ma valise qui avait été fermée
avec la clé de Viviane, l'accompagnatrice, celle qui rit ( ha !,bon ),
on a appelé Marius. Marius, il mange énormément, il prend des photos de
tout et il sait tout faire. Il a réparé les lunettes d'Hélène, il
connait le nom des avions, il sait comment fonctionne une centrale
électrique. Il n'y a qu'à table qu'il s'emporte un peu et uniquement
après sa 8ème tranche de pastèque quand il n'a pu reprendre de nouilles
aux légumes que six fois. Enfin pour la valise, il est allé rassembler
les clés disponibles. Il les a tournées er retournées dans les serrures
mais rien ne se passait. Il a étudié les serrures de près, a encore
essayé pendant quelques minutes, sans succès. Il n'a pas tout balancé
contre le mur en jurant, mais il a dit avec son accent suisse allemand:
" tiens... ça c'est intéressant. ".
Mercredi 24 juillet 1985
Luoyang
Il a plu pour la première fois de l'été. Pendant 20 minutes on ne voyait
plus à 10 mètres: Puis soudain...ça a continué mais plus doucement.
Jin, notre guide locale, nous a appris à compter jusqu'à dix à la
chinoise avec les doigts d'une main. on présente le dos de la main :

Jin nous a aussi parlé des cinq raisons pour lesquelles les Chinois se
marient :
1) L'amour (c'est beau!)
2) Le mariage réfléchi (ça dure mais c'est moins romantique: rang
social, culture semblable, etc ).
3 ) Tradition (conjoint de même rang social choisi par les parents -
c'est plus rare de nos jours. Dommage car il y a plus de jeunesse si on
les laisse ...tout décider !)
4) Convenance (pour pouvoir changer de lieu de domicile, avoir un
meilleur logement, un autre emploi etc..Romantisme, tu fous le camp au
galop )
5) Attrait sexuel (faut vous faire un dessin ! ?)
L'après-midi, Tournesol était très excité Il jubilait à l'idée
d'échanger une pierre plus 10 yuans contre une autre pierre précieuse
plus grande. L'affaire était presque conclue quand nous l'avons emmené
L'autre le Chinois, doit être encore tout dépité aujourd'hui.
Il faut dire que la pierre de Tournesol valait 5 yuans de plus que la
sienne alors vous pensez, avec la prime supplémentaire de 10 yuans que
Lucien lui proposait...
J'ai un espoir: peut être que ce soir, après deux semaines et demie,
Lucien, l'explorateur si savant, aura enfin retenu que le plat de base de
pâte de soja ,qu'on inflige à chaque repas depuis le début, n'est pas de
la cervelle, mais qu'il s'appelle "tofu"
On lui a presque fait manger sa pierre pour qu'il s'en souvienne. Il est d'ailleurs toujours persuadé qu'on
l'a empêché de faire une bonne affaire. Il a l'intention de retourner
par n'importe quel moyen dans le magasin : Il veut louer un vélo, mais
avec la circulation qu'il y a dans la ville de deux millions d'habitants,
non seulement il se ruinerait, mais on ne le reverrait plus à moins que
les Chinois abasourdis, nous le ramènent avec une escorte...
A propos d'escorte, on a vu un Japonais qui voyageait accompagné d'une
trentaine de voitures. Les routes avaient été fermées pour lui. Il a
fait a peu près le même parcours que nous, il est descendu dans le même
hôtel. Les Chinois se pressaient pour le voir au temple de Guandi, on a
passé entre les deux haies d'honneur, puis on s'est retrouvés nez à nez,
avec lui ! Un chinois l'abritait sous un parapluie. Le personnage,
d'environ 60 ans était petit, en chemise et n'avait pas l'air
impressionnant.
On a eu le temple pour nous tout seul et lui... Il faut dire que le
personnage n'était rien d'autre que le Président du Sénat japonais. En
ce moment, la Chine a besoin de yens.
Jeudi 25 juillet 1985
Luoyang

Le proverbe du jour, vieux dicton de sagesse chinoise, est de Tournesol,
qui le tient de son père:
" Si tu n'es pas beau à 29 ans, intelligent à 30 ans et riche à 40 ans,
tu ne seras jamais beau, intelligent et riche..."
En Chine, si on nous annonce un événement, on peut être sûr que c'est
autre chose qui va se passer. Si on nous montre un restaurant typique où
l' on mange bien comme le dernier soir à Taiyuan, on peut être certain
que c'est une gargote...dans laquelle les assiettes à laver croupissent
dans une eau huileuse et pas toujours propre.
On avait réservé des couchettes pour le trajet Taiyuan-Zhengzhou, on
n'en a pas eu, par contre, on en a eu le surlendemain pour 2 heures de
train en fin d'après-midi. Le soir du 25 à Luoyang, on nous a annoncé un
spectacle de danses folkloriques du Nord mais pendant le trajet tout a
changé en danses traditionnelles du Sud. Sur place, c'était devenu une
imitation d'amateurs montant un spectacle disco d' il y a 10 ans en
Europe ! Il y avait tout et son contraire : des pseudo-chanteurs de
charme au déhanchement d'un trio féminin, en passant par les
frétillements désordonnés d'une grande sauterelle hermaphrodite, le tout
sur un fond de cacophonie d'une musique qui avait été
contemporaine, il y a quelques années.
Comme on devait partir le lendemain à 7 heures pour Xian, on savait
pertinemment qu'on partirait n'importe quand, sauf à 7 heures !
Evidemment ça n'a pas raté, on est partis le soir en couchettes molles (
1ère classe ) par opposition aux couchettes dures !
Vendredi 26 juillet 1985
Xian ( Province du Shaanxi )

Enfin, faisant contre mauvaise fortune bon coeur, on se dit qu'on aura
ainsi 3 jours au lieu de deux prévus à Xian et le temps de faire
tranquillement des visites prévues par le programme mis au point il y a
quelques mois et accepté par l'organisme officiel du tourisme à Pékin (
Beijing ) à savoir " Luxingshe ".
A l'arrivée, un homme, nous servant de guide local, nous annonce qu'on
va vite faire un tas de choses différentes de celles prévues car notre
départ est...avancé de deux jours ! Là comme dans presque chaque ville
précédente, ce fut l'affrontement entre Viviane ( qui rit toujours ) qui
passait du bleu au vert... et le guide local, très calme, disant " oui,
d'accord, on ne va pas voir que ce monastère, puis signalant cinq
minutes plus tard, que le bus roule dans une autre direction, donc voir
une pagode...etc.I
Ils disent "oui " mais font le contraire, signalent que les ordres
viennent de Pékin ou que les réservations ont déjà été faites ailleurs
ou que tel temple n'existe pas !
Viviane, qui ne rit plus dans ces moments là, se cramponne au siège,
devient rouge vif, se démène dans tous les azimuts et après avoir perdu
deux heures et trois kgs, résout les problèmes et essaye
d'imposer nos vues.
Tout semble être dirigé depuis Pékin, les touristes sont casés, tant bien
que mal, dans les places disponibles, ils ont vraiment l'air d'être
dépassés par les événements...
L''ascenseur, lui aussi, n'en fait qu'à sa tête : si on veut monter, il
descend, si on l'appelle au 8ème, quand il est au 9ème, il passe au
8ème, nous fait un pied de nez et ne s'arrête qu'au premier = le
rez-de-chaussée. Si par chance on arrive à l'obtenir, on se fait coincer
entre les portes en entrant et si, lors du vendredi 1*, particulièrement
chanceux en Chine, on peut y entrer, on se retrouve toujours à l'opposé
de l'étage désiré. Une exception à la règle, si averti du problème, on
pousse le bouton du dernier étage pour aller au 1er ce sera la seule
fois qu'il fonctionne normalement et ira au dernier. Nous, en Europe, nous
avons bien sûr connu ces problèmes mais il y a longtemps. On oublie
peut-être trop vite !
Ce soir, pour la première fois, le groupe s'est disputé. L'agence de
tourisme veut nous faire partir demain après-midi de Xian ! la ville
principale de notre parcours, " ou berceau de la civilisation chinoise
". Motif : Il n'y a pas d'avion pour Chongquing après demain dimanche
comme prévu. : Il faudra ainsi rester trois jours à Chongquing, un des
quatre " fours " de la Chine.
Les Chinois sont en réalité submergés par le flot de touristes à qui
ils ont accordé des visas, qu'ils vont nous "évacuer" .
Le mot n'est pas trop fort, en avion
militaire...pour faire place...à Xian pour les
suivants. Tournesol est métamorphosé, il est
furieux, tire sur sa pipe et fume par les oreilles.
Il menace de reprendre le 1er avion pour Genève si
on se laisse ainsi mener par le bout du nez ! Il
tempête, annonce qu'il va écrire des lettres, vu que
ça arrive tout le temps et qu'il faut refuser de
partir.
Je trouve aussi que c'est l'occasion de monter notre désaccord aux
Chinois. Nous ne sommes pas des marionnettes ! De toute façon, Luxingshé
devra trouver un avion pour nous faire partir de Xian. Ils auront besoin
des chambres ! Quitte à aller directement à Shanghai. Ils devront se
débrouiller dans l'intérêt des futurs touristes. Il faut qu'ils
préservent leur image de marque auprès des étrangers. Hélène, d'habitude
si vive, a peur des conséquences : que va-t-il nous arriver, elle est
ce soir., une vraie vieille dame qui n'ose pas prendre de décisions
et qui serait prête à ramper. Les Borsch sont prêts à se plier à la loi
.Ils ont déjà vu Xian et tiennent à visiter Chongquing.
Les autres, peu à peu, sont
d'accord avec Lucien et moi. Viviane nous dit de
décider. Deux pour partir, une indécise, sept pour
rester. Résultat...on va partir ! C'était un pseudo
choix, elle voulait l'unanimité ! Elle aurait eu
pourtant l'occasion de montrer sa fermeté ! Dommage
pour nous et pour la " Société de rapports amicaux
sino-suisse".
Au carrefour des tensions, Viviane, elle qui riait
tout le temps, perd peu à peu ses nerfs... mais ce
n'est rien à côté des crises mal contrôlées qu'elle
poussent, quand une personne du groupe, de Chine, du Guatémala, de Honolulu ou de Navarre se permet de
tempérer un tout petit peu son optimisme: Quant au
bien-fondé, de n'importe quelle décision prise par
un quelconque organisme officiel chinois, là, elle émet
aussitôt des doutes. Quant à la santé mentale de la
personne en question, elle dit, par exemple, que c'est
lâche de la part tel guide de critiquer son propre pays, dans
l'unique but d'excuser sa paresse...
Indépendamment du fait qu'il n'était pas paresseux,
Hui Ming, notre guide local à Xian, est architecte.
C'est le gouvernement central de Pékin qui lui a
imposé ce travail.
On n'avait souvent apprécié, les dépenses d'énergie
de Viviane, pour composer notre programme; mais
cette fois, ses flèches avaient touché la mauvaise
cible, bien que Hui Ming nous a dit, avec réserves
d'usage, que les produits du privé sont supérieurs à
ceux de la collectivité qui, eux-mêmes, sont supérieurs
à ceux de l'Etat. Motivation oblige ! Depuis deux
ans, avec l'installation du marché libre pour les produits
non manufacturés, la qualité de ceux ci s'est
améliorée ainsi que le rendement et le niveau de vie
des paysans. La Chine est d'ailleurs LE SEUL PAYS DU
MONDE dans lequel, les paysans gagnent plus que les
ouvriers. Ces derniers ont des salaires se situant
actuellement entre 50 et 150 yuans par mois ( sans
compter les primes de rendement ). Les cadres
gagnent jusqu'à 250 yuans par mois, parait-il. Un
yuan qui vaut 0.9 Fr suisse est divisé en 10 maos ou
100 fens. En payant 3 fens ( 2ct suisse ) on a pu
visiter un magnifique parc, pour 30 fens, on a vu un
spectacle de musique "disco" pas très bon, mais
les bons coûtent le même prix.. Un téléviseur couleur
coûte en premier prix 300 yuans, un vélo, 100 à 150
yuans, ce qui représente malgré tout une année
d'économie pour un ouvrier.
Le problème n'est pas le prix du vélo de bonne
qualité, mais la possibilité de se le procurer. En
effet, chaque entreprise reçoit pour ses ouvriers, 2
ou 3 tickets, donnant droit à l'achat d'un vélo,
ainsi que quelques tickets, donnant droit à d'autres
biens. Pour s'acheter un vélo de bonne qualité, il
faut avoir de la chance ! Les tickets peuvent être
gagnés, lors de l'organisation d'une tombola dans
l'entreprise, les échanges de bons sont ensuite
autorisés.
Les loyers sont presque gratuits mais les
appartements sont distribués par les entreprises.
Ils sont exigus : 7 personnes dans deux pièces ! 11
personnes dans 4 pièces dans les villes dixit
Viviane... Les balcons sont utilisés comme chambres
supplémentaires. L'eau chaude et l'électricité sont
à charge des locataires, ce qui revient environ à 3
ou 4 yuans par mois. On voit beaucoup de Chinois
dans les rues profitant de l'éclairage publique le
soir.
De drôles de gens, plus gros que les Chinois, venus
d'ailleurs, achètent facilement des babioles à 10,
50,ou 100 yuans. Ce sont des touristes ! Comme cela
représente, le salaire mensuel d'un Chinois, ces
derniers pourraient ressentir, comment dirais-je..
l'
iniquité !
C'est pourquoi, l'Etat a imprimé une nouvelle
monnaie parallèle, qui a exactement la même valeur,
mais dont les billets sont différents. Au lieu de
représenter des gens au travail, ils représentent
des paysages et au verso, l'on trouve la traduction
anglaise, des notations chinoises.
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