Le nouveau Linac déplace les montagnes Les travaux du Linac 4, l’un des grands projets du programme de rénovation du complexe d’accélérateurs du CERN, ont démarré. Le génie civil s’achèvera fin 2010 et la mise en service est prévue en 2013. Ground-breaking ceremony for Linac 4. From left to right: Rober Aymar, CERN Director-General, Roland Garoby, SPL Project Leader, Lyn Evans, LHC and LHC Upgrade Project Leader, and Maurizio Vretenar, Linac 4 Project Leader. On ne l’appellera plus le Mont-Citron, mais peut-être
la plaine Citron. C’est sur cette future ex-colline, qu’on a toujours
appelée avec le nom d’un ancien physicien du CERN sans que personne ne
se rappelle plus pourquoi, que sera érigé le nouvel accélérateur
linéaire du CERN. Le Linac 4 deviendra en 2013 le point de départ de la
chaîne d’injection des protons. Jeudi 16 octobre, une cérémonie du
premier coup de pioche a célébré le début des travaux sur le Mont-Citron
situé entre les bâtiments du PS et le Restaurant n°2, l’un des rares
espaces encore libres sur le site de Meyrin.
La construction du Linac 4 est le premier projet qui se concrétise dans
le cadre du programme d’activités additionnelles approuvé par le Conseil
du CERN en juin 2007. Ce programme a été doté de ressources
supplémentaires de 240 millions de francs pour la période de 2008 à 2011
et comprend, avec des consolidations et améliorations du LHC et de ses
injecteurs, la construction du Linac4 et l’étude de la nouvelle chaîne
d’injecteurs destinée à être construite dans une deuxième étape.
The new Linac will be constructed alongside the PS on the site of
Mont-Citron.
Le remplacement du Linac 2 - qui vient de fêter ses 30 années de service
! - est capital pour l’amélioration future du LHC. Pour garder intact
son intérêt pour la physique, la luminosité du grand accélérateur devra
en effet être progressivement augmentée une fois que son niveau nominal
sera atteint. La luminosité est avec l’énergie l’un des deux paramètres
essentiels d’un accélérateur : elle détermine la fréquence de collisions
entre les particules. Or, la chaîne d’injecteurs du LHC constitue le
principal frein à l’augmentation de la luminosité. Les faisceaux fournis
par ce complexe devraient être bien plus denses, ce qui est impossible
avec les machines actuelles. De surcroît, même si elles ont démontré une
excellente fiabilité, les machines anciennes du complexe du CERN – le PS
aura 50 ans l’année prochaine ! – commencent à montrer des signes de
vieillissement.
Le Linac est le premier accélérateur de la chaîne d’accélération des
protons. C’est dans cette longue ligne droite que les protons, extraits
d’une simple bouteille d’hydrogène, subissent leur première phase
d’accélération et de focalisation. Ils sont ensuite accélérés dans le PS
Booster, dans le PS, puis dans le SPS avant de parvenir dans la grande
boucle du LHC.
À partir de 2013, le Linac 4 délivrera des faisceaux à une énergie de
160 MeV, contre 50 MeV pour le Linac 2 actuel. Cet accélérateur de 80
mètres de long (contre 36 mètres pour le Linac 2) permettra en outre
d’obtenir une intensité de faisceau deux fois plus élevée à la sortie du
PS Booster, ce qui contribuera à relever la luminosité du LHC. Sa
conception (voir encadré) prend en compte des améliorations futures du
complexe d’accélérateurs, notamment une injection dans le futur
remplaçant du PS Booster, le SPL (Linac à protons superconducteur), qui
sera quant à lui suivi par le remplaçant du PS, le PS2.
Les travaux ont démarré le 22 octobre et dureront jusqu’à la fin 2010.
Une première étape consiste à raser le fameux Mont-Citron. Cette petite
colline n’a rien de naturel : elle avait été formée avec les déblais du
chantier du PS, situé en contrebas. Il faudra encore creuser 12 mètres
en profondeur, car le Linac 4 sera enterré pour être positionné au même
niveau que le PS Booster et pour optimiser le blindage. Pas moins de 40
000 mètres cubes de terre vont donc être évacués vers la zone avoisinant
le bâtiment SM18. Il faut donc s’attendre à un ballet de camions à
compter de la fin octobre (voir article sur les conditions de
circulation, p.14).
Dans un deuxième temps, la tranchée bétonnée sera recouverte. Près de 14
000 m3 de terre feront donc le voyage retour. Puis un
bâtiment de 100 mètres de long et de 10 mètres de haut sera érigé.
L’emplacement du bâtiment a été savamment calculé pour respecter la
frontière ! Bien que les Cernois n’y prêtent plus attention, c’est en
effet à cet endroit que passe la frontière franco-suisse et aucun
bâtiment ne doit être construit à cheval sur cette ligne invisible. Le
bâtiment, qui se trouve côté suisse, va donc être précisément construit
à plus de deux mètres de la frontière, conformément à la législation
suisse. La phase de génie civil terminée, l’installation de la machine
se déroulera entre 2011 et 2012.
Le projet Linac 4 est le fruit du travail d’une collaboration
internationale. La recherche et le développement réalisés dans le cadre
d’un projet européen ont notamment impliqué des instituts français,
italiens, russes, indiens, pakistanais et saoudiens. Une grande partie
des éléments de la machine seront également construits dans le cadre de
coopérations internationales. Mais dans la grande tradition du CERN,
certains éléments n’auront pas besoin d’être fabriqués. Les klystrons,
les équipements qui apportent la puissance radiofréquence, ont en effet
été récupérés de l’ancien accélérateur LEP.
Le saviez-vous ?
Les particules portant la même charge électrique se repoussent. À basse
énergie, cette répulsion coulombienne limite le nombre de particules que
l’on peut concentrer dans un volume donné, et donc l’intensité du
faisceau. Mais ces effets appelés « charge d’espace » s’amenuisent à
mesure que l’énergie augmente, et tendent vers zéro lorsque les
particules s’approchent de la vitesse de la lumière. L’énergie finale du
nouveau Linac sera trois fois plus élevée que celle de l’accélérateur
actuel. Par conséquent, les effets de la charge d’espace au moment de
l’injection dans le PS Booster seront deux fois plus faibles. Le
faisceau généré sera ainsi bien plus intense. Mais les physiciens ont
une autre astuce. Le Linac 4 injectera dans les anneaux du PS Booster
des ions H-, des protons entourés de deux électrons. Cette technique,
appelée « injection par échange de charge » et utilisée dans de nombreux
accélérateurs dans le monde, a été inventée dans les années 70. Elle
permet d’obtenir des faisceaux plus denses, avec moins de pertes et plus
de flexibilité à l’injection. Comment fonctionne le Linac 4 ?
Comme son nom l’indique, un accélérateur linéaire accélère les faisceaux
sur une ligne droite. Mais comme son nom ne l’indique pas, il les
concentre également. Cette dernière fonction est cruciale car plus
l’énergie est basse, ce qui est le cas au démarrage, plus les particules
du faisceau ont tendance à se repousser et à diverger. Le Linac 4
utilise quatre types de structures accélératrices avec des éléments de
focalisation différents, chacune adaptée à l’énergie croissante du
faisceau. Comme dans le Linac 2, l’accélération et la focalisation au
démarrage sont assurées par un quadripôle à radiofréquence, puis par un
accélérateur linéaire à tubes de glissement (DTL, Drift Tube Linac). Ce
dernier sera toutefois équipé de 120 aimants permanents spécialement
développés, plus petits et fiables que les électroaimants en service
dans le Linac 2. Ces deux premières structures sont suivies d’un autre
type de Linac, dit à cellules couplées (CCDTL, Cell-Coupled Drift Tube
Linac), dans lequel les quadripôles alternent avec les cellules
d’accélération. Enfin la dernière phase d’accélération est assurée par
des cavités accélératrices, similaires aux cavités de cuivre qui étaient
utilisées dans le LEP, et dénommées « structures pi-mode » (PIMS,
Pi-Mode Structure). Outre ces équipements d’accélération, le Linac 4
comporte un équipement dénommé ligne Chopper. Son rôle est de découper
le faisceau à la même fréquence que celle du PS Booster, de 600 kHz. En
synchronisant les fréquences des deux accélérateurs, les pertes de
particules au moment de l’injection dans le PS Booster sont bien
moindres. ************ Ref
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