Lancé à l'initiative de l'université
du Wisconsin à Madison et financé à hauteur de la coquette somme
de 295 millions de dollars par la National Science Foundation
(NSF) des Etats-Unis en association avec plusieurs universités
européennes de Suède, de Belgique, d'Allemagne, du Royaume-Uni
et des Pays-Bas, IceCube
questions fondamentales posées par l'astrophysique
et la cosmologie.
est de loin le projet le plus
ambitieux et le plus coûteux actuellement en cours en
Antarctique.
Les neutrinos
Enfoui profondément dans la calotte
glaciaire de l'Est antarctique, un gigantesque détecteur de
neutrinos de haute énergie, dont l'achèvement est prévu pour
2009, pourrait fournir aux scientifiques, européens compris, une
fenêtre
Les neutrinos sont des particules
élémentaires, de masse pratiquement nulle, qui sont engendrées
par des
réactions nucléaires. Tandis que le
Soleil et autres phénomènes approchants produisent
des neutrinos de basse énergie, les neutrinos de haute énergie
sont produits par des cataclysmes cosmiques lointains et
extrêmement violents tels que les
trous noirs, les
supernovas et le
Big Bang.
sans précédent sur l'Univers de même
qu'un outil pour répondre à certaines des
Une fois engendrés par ces
cataclysmes cosmiques, les neutrinos se déplacent à une vitesse
proche de la
lumière et ne s'arrêtent pas. Leur masse étant
virtuellement nulle, ils n'interagissent que très rarement avec
d'autres particules, ce qui leur permet de se déplacer en ligne
droite jusqu'aux frontières de l'Univers, traversant les
étoiles, les
planètes, de vastes
champs magnétiques et des
galaxies entières comme si ceux-ci n'existaient pas. Des
trillions de neutrinos traversent la Terre toutes les
nanosecondes et pour les astrophysiciens, chacune de ces
particules infimes constitue un messager potentiel transportant
des informations sur son origine.
Le problème qui se pose toutefois aux
scientifiques est que les propriétés mêmes qui permettent aux
neutrinos de transporter ces informations les rendent
notoirement difficiles à détecter. Heureusement, il arrive qu'à
de rares occasions, un neutrino de haute énergie entre en
collision avec un
atome. La collision désintègre le
noyau de celle-ci et le neutrino se transforme en une
autre particule appelée
muon. Le muon ainsi créé continue son déplacement sur une
trajectoire identique à celle du neutrino et peut être reconnu
grâce au cône de lumière bleue qu'il engendre. Connu sous le nom
de radiation de Tcherenkov, ce cône peut être comparé aux ondes
produites dans l'air
traversé par une balle.
IceCube
Toutefois, pour avoir la chance de
détecter une telle collision en apercevant la radiation de
Tcherenkov laissée dans son sillage par le muon, les
scientifiques doivent pouvoir surveiller un volume gigantesque
d'une substance qui soit à la fois parfaitement transparente et
plongée dans l'obscurité. La création d'un tel
détecteur a été tentée pour la première fois au début des années
1980 au large de Hawaii en plongeant des détecteurs dans les
profondeurs de l'océan. Malheureusement, l'expérience fut
perturbée par l'imprévisibilité des conditions météorologiques
et l'instabilité de la mer.
Ce n'est que quelques années plus
tard que l'on imagina que la
glace serait la solution idéale. Prolongement du
détecteur antarctique de muons et de neutrinos de première
génération AMANDA (Antarctic Muon and Neutrino Detector),
IceCube, lorsqu'il sera achevé, sera constitué de 5 000
détecteurs photomultiplicateurs enchâssés dans 1 km3
de la calotte glaciaire antarctique entre 1 400 à 2 400 mètres
de profondeur sous le pôle Sud: un environnement non seulement
plongé dans l'obscurité, mais où la pression est si forte que
toutes les bulles d'air et autres éléments perturbateurs ont été
expulsés de la glace qui présente ainsi la clarté du cristal.
Une fois mis en place, les détecteurs
photomultiplicateurs agiront comme de puissants capteurs pour
détecter les
traînées engendrées par la radiation de Tcherenkov des
muons, amplifier ces faibles signaux plus d'une centaine de
millions de fois et envoyer ceux-ci vers la surface où ils
seront traités par
ordinateur. Sur la base de cette information, les
scientifiques calculeront la direction d'où provient le neutrino
initial et l'endroit dans l'espace où ils pourront trouver
l'événement cosmique qui l'a engendré. Dès qu'ils auront
localisé l'événement, ils seront en mesure de l'étudier
directement.
Une fenêtre sur l'univers
D'après Francis Halzen, professeur à
l'université du Wisconsin et directeur de recherche des projets
AMANDA et IceCube, l'aspect le plus extraordinaire de IceCube
n'est pas tant les réponses que ce projet est susceptible
d'apporter aux questions que nous nous posons aujourd'hui au
sujet des trous noirs, des supernovas, du Big Bang, de la
matière noire et du futur de l'Univers, mais le fait que par le
passé, à chaque fois que des astronomes ont ouvert une nouvelle
fenêtre sur le cosmos, ils ont découvert des choses dont ils ne
soupçonnaient même pas l'existance l'existence.
Vue d'artiste du cône de lumière
bleue engendré par la radiation de Tcherenkov dans le télescope
IceCube. La matrice de capteurs optiques sphériques permet à
IceCube de détecter et de retracer la trajectoire d'un muon et
de son neutrino d'origine.
Des neutrinos cosmiques
détectés en Antarctique
vendredi 22 novembre 2013
Par
Nicolas Revoy
Des neutrinos cosmiques,
soit des particules élémentaires qui se sont formées à
l'extérieur de notre système solaire, ont été identifiées par un
détecteur de particules enfoui dans les glaces de l'Antarctique,
appelé IceCube (ci-dessus). Crédits : Sven Lidstrom / IceCube /
NSF
Des neutrinos cosmiques,
soit des particules dont l'origine est à rechercher à
l'extérieur du système solaire, ont été captés par un détecteur
de particules situé en Antarctique.
La nouvelle fait la une de
l’édition du 22 novembre 2013 de la revue Science. Et il y a de
quoi, puisqu’on y apprend qu’entre mai 2010 à mai 2012,
IceCube, ce
détecteur de particules géant enfoui sous les glaces de
l’Antarctique, a détecté le passage de visiteurs pour le moins
inhabituels : 28 neutrinos (les neutrinos sont des particules
élémentaires de masse pratiquement nulle) qui ne se sont pas
formés dans le système solaire comme c’est le cas de la grande
majorité des neutrinos qui frappent la Terre… mais en dehors du
système solaire, dans le cosmos. Soit en d’autres termes, des
« neutrinos cosmiques ».
Pour comprendre, il faut
savoir que la majorité des neutrinos décelés par les détecteurs
de particules terrestres sont de deux types. D’une part, il y a
les neutrinos produits par le Soleil lui-même, dont certains
franchissent l’atmosphère terrestre et viennent donc heurter la
surface de la Terre. Et d’autre part, il y a les neutrinos qui
se forment lorsque les rayons cosmiques (des rayons dont
l’origine est donc à rechercher en dehors du système solaire)
viennent heurter l’atmosphère terrestre, mais sans parvenir à y
entrer : ces chocs ont pour effet de produire « localement »,
c’est-à-dire dans notre atmosphère, des neutrinos qui viennent
alors frapper la surface de la Terre.En d’autres termes, les
neutrinos qui heurtent habituellement la Terre se forment soit
dans le Soleil, soit dans l’atmosphère terrestre. Donc dans les
deux cas, ces neutrinos sont créés à l’intérieur du système
solaire.
Mais pour les 28 neutrinos
dont il est question ici, l’histoire est bien différente : ils
ne se sont pas formés à l’intérieur du système solaire,
mais à l’extérieur. Et probablement même très loin de notre
système solaire, à la suite de phénomènes cosmiques de grande
ampleur, tels des effondrements gravitationnels d'étoiles (ce
phénomène se produit à la fin du cycle de vie d'une étoile,
lorsque cette dernière s'effondre sur elle-même sous l'effet de
sa propre gravité) ou de jets de particules émis par des trous
noirs.
Revenons aux 28 neutrinos
décelés par le détecteur de particules IceCube : en quoi ces
particules portent-t-elles la signature d'une origine
extrasolaire ? Tout simplement parce qu’elles se caractérisent
par un niveau d'énergie beaucoup trop élevé pour avoir été
créées au sein de notre système solaire. En effet, leur niveau
d’énergie est compris entre 30 et 1200 Téra-électronvolt (TeV),
soit des niveaux d’énergie bien plus élevés que les neutrinos
créés à l’intérieur de notre système solaire.
Parmi ces 28 neutrinos de
haute énergie, deux d'entre sont dotés d'un niveau d'énergie
record : en effet, ce niveau excède le péta-électonvolt (PeV),
soit plusieurs dizaines de milliers de fois l’énergie du
neutrino le plus énergétique jamais produit dans l’atmosphère ou
par un accélérateur de particules !
Notons que la découverte de
ces 28 neutrinos avait déjà été révélée le 15 mai 2013 par les
physiciens du détecteur IceCube, au cours du Particle
Astrophysics Symposium organisé à Madison (Wisconsin,
États-Unis). Une annonce
dont le Journal de la Science vous avait d’ailleurs fait
part dès cette époque. A cette époque, les résultats
n’avaient pas encore été publiés dans une revue scientifique.
Par ailleurs, signalons que
la détection des deux neutrinos ultra-énergétiques (baptisés
Bert et Ernie par les scientifiques qui les avaient détectés)
dépassant le Péta-électronvolt dont il est question ci-dessus,
avaient été dévoilée encore un peu plus tôt dans l’année, le 22
avril 2013. A cette occasion, les auteurs de la découverte
avaient d'ailleurs déjà fait l'hypothèse que l'origine de ces
deux particules était très probablement à rechercher hors de
notre système solaire (pour accéder à un compte-rendu de ces
résultats, consulter l'article
"IceCube neutrinos came from outer space"
publié sur le site de Nature le 22 avril 2013).
Dernière
nouvelles: Un neutrino qui bat tous les records
d’énergie
4 août 2015
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