La fonte de glaciers de l'Ouest de l'Antarctique « a atteint un point de
non-retour »
Le Monde.fr avec AFP | 13.05.2014 à 06h11 • Mis à jour le 13.05.2014 à 11h34
Le glacier Thwaites fait partie des grands glaciers de l'Ouest de
l'Antarctique menacés, qui contiennent assez d'eau pour faire monter les
océans d'un mètre et dont la fonte s'accélère. | AFP/HANDOUT
La fonte des grands glaciers de l'Ouest de l'Antarctique, qui
contiennent assez d'eau pour faire monter les océans d'au moins un
mètre, s'accélère sous l'effet du réchauffement climatique et paraît
irréversible, selon les conclusions de deux études séparées publiées
lundi 12 mai.
La première s'appuie sur de nombreuses données incorporant quarante
années d'observations, qui indiquent que le recul des plus grands
glaciers de la mer d'Amundsen, dans l'Antarctique de l'ouest, « a
atteint un point de non-retour », explique Eric Rignot, un
glaciologue de l'université de Californie à Irvine et de la NASA,
principal auteur de cette recherche à paraitre dans la revue
Geophysical Research Letters.
La fonte des six plus grands glaciers de cette région, Pine Island,
Thwaites, Haynes, Smith, Pope et Kohler, contribue déjà de façon
importante à la montée des océans, lâchant presque autant de glace
annuellement dans l'océan que toute la banquise du Groenland. Ils
contiennent suffisamment d'eau pour faire grimper le niveau des océans
de 1,2 mètre et fondent plus vite que ne le prévoyaient la plupart des
scientifiques.
Lire :
En Antarctique, le glacier du Pin recule
inexorablement
Cette fonte pourrait aussi déstabiliser d'autres plaques de glace de
cette partie de l'Antarctique et entrainer potentiellement une montée de
trois mètres et plus au total des océans au cours des prochains siècles,
estime ce scientifique.
Regarder la carte interactive
sur les impacts du réchauffement climatique
Carte des risques liés au réchauffement
climatique. | Infographie Le Monde
Selon lui, cette situation, nécessite de
réviser à la hausse les projections
du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du
climat
(GIEC), selon qui les océans pourraient s'élever
de 90 centimètres d'ici la fin de ce siècle sans mesures pour
réduire les émissions de gaz à
effets de serre, affectant des dizaines de millions de personnes vivant
dans des régions côtières. « Ces glaciers seront un contributeur
majeur à la montée des océans au cours des décennies et des siècles à
venir », insiste-t-il.
Lire :
Réchauffement : les 10 points marquants du
rapport du GIEC
L'accélération de l'écoulement de l'eau et le recul des glaciers sur le
socle rocheux se renforcent mutuellement, expliquent ces chercheurs. En
fondant, les glaciers s'allongent et leur épaisseur diminue, ce qui
réduit leur masse et les séparent de plus en plus du socle rocheux et
les fait
glisser plus vite.
« L'effondrement des masses de glace de cette partie de l'Antarctique
paraît ainsi
être irréversible, conclut Eric
Rignot. Le fait que ce recul des glaciers se produit simultanément
sur une vaste zone laisse
penser que ce phénomène a résulté
d'une seule cause : un réchauffement de l'eau de l'océan dans laquelle
flotte une partie de ces masses de glace. »
UN AUTRE GLACIER FERA
MONTER LES OCÉANS DE 60 CM
La deuxième étude,
parue dans la revue américaine
Science, s'est concentrée sur
le glacier Thwaites, le plus massif de l'Antarctique occidental, large
de 120 kilomètres. Les chercheurs ont établi des cartes topographiques
détaillées et utilisé un modèle informatique sophistiqué montrant que la
désintégration de ce glacier a déjà commencé.
Le glacier Thwaites va ainsi probablement
disparaître d'ici quelques siècles,
faisant
monter le niveau des océans de près
de 60 centimètres, prédisent les auteurs de ces travaux. « Cette
étude fournit une estimation des taux auxquels le glacier disparaît dans
l'océan, précise Ian Joughin, un glaciologue de l'université de
Washington, un des auteurs de cette recherche. Les simulations dans
notre modèle informatique semblent
indiquer une accélération dans le
futur, sans aucun mécanisme de stabilisation en vue. »
Selon ce modèle, l'effondrement du glacier Thwaites pourrait
intervenir au plus tôt dans
200 ans, et au plus tard dans plus d'un millénaire selon la rapidité du
réchauffement de la
planète. Mais le scénario le plus
probable se situe entre 200 et 500 ans, précise Ian Joughin. « Toutes
nos simulations montrent que la fonte du glacier fera
monter le niveau de l'océan de
moins d'un millimètre par an pendant 200 ans, avant de
commencer à se
désintégrer et à disparaître »,
ajoute-t-il.
A certains endroits, le glacier de Thwaites perd plusieurs mètres
d'altitude par an alors qu'il avait connu une période de quasi-stabilité
jusqu'en 2006, avant de se
déplacer vers l'océan à une vitesse
de 0,8 kilomètre par an, soit 33 % plus rapidement que précédemment,
selon une précédente recherche.
La topographie du glacier a été réalisée dans le cadre du programme
« IceBridge » de la NASA, qui vise, par des observations aériennes
et satellites, à
mesurer la hauteur de la glace et à
déterminer la fonte en surface.
|